Il est très difficile de corréler les décisions de justice avec l'appartenance des prévenus à une ethnie quand on ne dispose pas de statistique concernant ce paramètre. Par contre il existe un certain nombre de présomption dont je vais vous faire part.
Le sociologue René Lévy, est l'auteur d’une étude unique car non reproduite, sur le devenir des interpellations opérées par les brigades de voie publique en 1979-1981. En retenant les « types » définis par les policiers rédacteurs de 538 dossiers d’interpellés sur la voie publique, il montrait la part décisive, dans la choix de déférer, de l’appartenance au groupe « nord-africain », par rapport à l’appartenance au groupe « européen ». La variable « groupe nord-africain » surdéterminait toutes les autres, y compris celles relatives aux garanties de représentation (nationalité, situation familiale, emploi). Ayant de surcroît observé le travail policier sur le terrain, il avait également été amené à constater une surreprésentation des « Nord-Africains » au stade de l’interpellation, et concluait ainsi : « Dans sa composition ethnique, la population déférée n’est pas identique à la population mise en cause par la police. Et de même, cette dernière se distingue de ce point de vue de la population d’ensemble au sein de laquelle elle est prélevée. La cause de ces différences réside dans les pratiques policières sélectives qui sont mises en œuvre tant au stade de la prise en charge des affaires et des personnes, qu’au stade des décisions cruciales prises ultérieurement »
Une chercheuse de l’université de Princeton, "Devah Pager, a dégagé une corrélation forte entre les tribunaux où les décisions « graves » sont surreprésentées (détention provisoire, contrôle judiciaire et peine privative de liberté) et les départements dans lesquels les jeunes hommes d’origine maghrébine sont les plus nombreux (Pager, 2008). Ce qui retient l’attention dans cette recherche est qu’aucune corrélation avec les autres variables contextuelles (étrangers, jeunes étrangers, taux de chômage, actes racistes recensés, taille de la population du département et surtout volume d’infractions constatées) n’était établie, renforçant ainsi l’importance de la variable « jeunes hommes maghrébins ».
Fabien Jobard et Sophie Névanen (2007) se sont eux penchés sur les différences procédurales d'affaires jugées de 1965 à 2005 sur un tribunal de grande instance de la grande banlieue parisienne. Ils ont observé le codage (fondé sur le lieu de naissance et les consonances des patronymes et/ou prénoms) de 864 prévenus d’un même ensemble d’infractions (les infractions à dépositaires de l’autorité publique):
"Du premier coup d’œil, les écarts de peine varient du simple au double selon que les prévenus relèvent du groupe « Européen » ou qu’ils relèvent des groupes « Noirs » ou « Maghrébins » (resp. 14 % et 25 et 24 %). Dans le même ordre d’idées, la durée moyenne des peines d’emprisonnement ferme est plus longue chez les prévenus des deux derniers groupes que chez ceux du premier." Cependant l'analyse des facteurs ne permet pas de définir la variable "groupe d'origine" comme seule constitutive du niveau de la peine."...
"Il semble toutefois qu’il en aille autrement de la décision policière qui se joue derrière ces infractions.
Celles-ci ont été en effet retenues pour tout un ensemble de raisons, parmi lesquelles la compréhension des déterminants des réactions du policier victime de l’atteinte. En effet, les policiers (comme tout fonctionnaire) ont la possibilité de se constituer partie civile au titre du préjudice moral lorsqu’ils se disent victimes d’un outrage, d’une rébellion, d’une violence (ils peuvent également prétendre à un dommage physique, mais nous n’avons pas retenu cette disposition). Au passage, la constitution de 189 partie civile est un facteur qui contribue à la sévérité de la peine prononcée. Là aussi, les écarts sont manifestes : 37 % des prévenus du groupe « Européen » voient des policiers se constituer partie civile contre 51 % de ceux du groupe « maghrébin » et 46 % du groupe « noir». Et cette fois l’analyse montre que la variable « groupe » a bel et bien une influence en soi – bien qu’il faille nuancer la portée de cette influence propre, compte tenu de la taille de l’échantillon. Aussi, si les juges sont insensibles à la couleur de peau, les policiers, en ce qui concerne cette décision particulière, ne semblent pas l’être."
Selon le rapport de l'Action des Chrétiens pour l''Abolition de la Torture.:
"Un grand nombre d’avocats, de magistrats, d’associations et d’institutions constatent l’utilisation de plus en plus fréquente des procédures d’outrage et de rébellion, notamment dans les affaires où la police est mise en cause. Dès 2006, la CNDS constatait ainsi « une inflation des procédures pour outrage engagées de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre, et plus particulièrement par les fonctionnaires de la Police nationale ». De même, l’IGPN faisait état, en 2005, de « la propension de certains fonctionnaires à recourir parfois de manière trop systématique aux procédures d’outrage et de rébellion ». Le même constat est dressé en décembre 2013 par l’Inspection générale de l’administration (IGA), qui dénonce un excès d’utilisation de ces procédures par certains agents. Ce constat a été amplement confirmé au cours de l’enquête de l’ACAT. Le risque d’être ainsi poursuivi constitue un obstacle dans le recours à la justice à double titre : d’une part il dissuade un grand nombre de personnes de porter plainte, d’autre part il participe à décrédibiliser le plaignant et à déconsidérer sa plainte. Dans ce type d’affaires, les plaintes pour outrage et rébellion participent de facto à une stratégie de défense contre les accusations de violences policières et aggravent le climat d’impunité.
JUSTICE À DEUX VITESSES
Bien qu’ils concernent parfois une seule et même affaire, les faits d’outrage et de rébellion sont jugés beaucoup plus rapidement que les faits de violences policières, le plus souvent par la voie de la comparution immédiate. Les demandes répétées des avocats des parties civiles de joindre les deux affaires et de les juger en même temps échouent le plus souvent. Par voie de conséquence, les magistrats n’ont souvent pas tous les éléments de l’affaire au moment où ils jugent la plainte pour outrage et rébellion. Les procédures de comparution immédiate sont par ailleurs connues pour leur caractère expéditif. Les personnes poursuivies bénéficient de moins de temps et de moins de moyens pour préparer leur défense. Or, une condamnation pour outrage et rébellion concourt indéniablement à décrédibiliser une plainte pour violences policières : « La victime, devenue agresseur, étant très souvent condamnée, elle n’a plus aucun crédit vis-à-vis d’un tribunal et sa plainte est presque toujours rejetée. »
DEUX POIDS, DEUX MESURES ?
Lorsque l’on établit des comparaisons entre les condamnations infligées à des agents des forces de l’ordre pour violences et des condamnations prononcées contre des citoyens pour outrage et rébellion contre des agents, les disproportions sont flagrantes. Dans le dernier cas, non seulement les condamnations sont nombreuses, mais elles sont également beaucoup plus sévères que les premières. Le syndicat de la magistrature évoque le nombre de 15000 condamnations annuelles. Les exemples fleurissent. À la suite du décès de Rémi Fraisse en octobre 2014, de nombreuses personnes ont ainsi été jugées et condamnées en comparution immédiate à Toulouse, après des affrontements avec les forces de l’ordre lors de manifestations contre le barrage de Sivens. Selon un décompte militant révélé par le journal Médiapart, « quelque 54 Toulousains ont été condamnés depuis novembre 2014 et les premières manifestations interdites contre le barrage de Sivens ». Parmi eux, Gaëtan Demay a été condamné en avril 2015 à deux mois de prison ferme et quatre mois avec sursis pour participation à une manifestation interdite (manifestation contre les violences policières et en hommage à Rémi Fraisse), et pour avoir lancé un panneau sur un policier. Gaëtan Demay, qui récuse les faits de violences et d’outrage, affirme pour sa part avoir été matraqué, poussé au sol et embarqué par des policiers en civil, alors qu’il s’était placé en marge du cortège pour envoyer un SMS. Mettre en parallèle les deux types d’affaires nous force à un constat aussi flagrant qu’inquiétant."
Fabien Jobard conclue:
À ce titre, notre étude prolonge les résultats de celle de René Lévy (1987), qui montrait qu’aux deux stades de la décision policière et de celle du parquet, les « Européens » recevaient toujours un meilleur traitement, suivi par les « Africains », le groupe des « Maghrébins » écopant d’un traitement le plus défavorable ; et ce indépendamment de la nature des infractions commises comme de la structure sociale des groupes en question. Notre étude prolonge et corrige ces résultats, en montrant que les décisions intervenant à la phase ultérieure, la phase de la décision judiciaire proprement dite, ne peuvent qu’entériner cet état de fait, sans toutefois ajouter de degré supplémentaire d’inégalité de traitement.
Cependant comme parmi les infractions régulièrement citées sont les outrages et rébellions, est ce que le fait d'être issue d'une population régulièrement contrôlée ne constitue pas un facteur de risque au final? Et est ce que les policiers à l'origine de discrimination voire de bavure ne sont pas statutairement protégés vis à vis des plaintes et ne jouissent ils pas d'une certaine clémence de l'institution judiciaire? Est ce que le parquet prendrait le risque de désavouer des policiers avec lesquels il travaille tous les jours au risque d'être "blacklisté"? Rien n'est moins sûr comme semble le croire certains journaux et Amnesty international.
Petit échantillon non exhaustif d'affaire de crime raciste.
En préambule voici quelques définitions pour nous donner le sens de la mesure:
Homicide Volontaire:
L’homicide volontaire, comme son nom l’indique, désigne le fait de tuer une personne de manière volontaire, intentionnelle, délibérée, peu importe les moyens utilisés, que la victime soit consentante ou non (è interdiction de l’euthanasie).
Homicide involontaire
L’homicide involontaire est l’acte par lequel une personne donne la mort à autrui sans avoir eu l’intention de la donner. L’homicide involontaire est un meurtre commis sans l’avoir voulu, « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement »
L’homicide involontaire est puni de trois ans de prison et d’une amende de 45 000 euros.
Voici quelques affaires que j'ai choisi par hasard et parce qu'il y avait des sources journalistiques en plus des militantes:
"Je me suis mis contre le mur tranquillement, et là un des policiers, il m’a mis un coup. Je savais que dans le coin où on était il n’y avait pas de caméras, alors je me suis dit "il faut que je me débatte, du mieux que je peux, pour que j’aille devant les caméras". Et dès que je suis arrivé devant les caméras, j’ai pas cherché à fuir. J’ai dit aux policiers "vous avez déchiré mon sac"’. (...) Que des insultes, que des injures. Comme j’étais de dos, mais de trois quart, je voyais ce qu’ils faisaient derrière moi. Je l’ai vu prendre sa matraque, et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de forces."
Le jeune homme fait également mention de coups et d’injures lors du trajet jusqu’au commissariat :
"Ils m’ont traité de négro, bamboula, salope."
En milieu de journée, une marche est organisée en soutien au jeune homme : des centaines d’habitants du quartier de la Rose-des-Vents d’ Aulnay-sous-Bois se rassemblent pour défiler, et réclament "justice pour Théo".
L’avocat du policier accusé de viol, Maître Frédéric Gabet, donne une interview télévisée. Il affirme que pour son client, un gardien de la paix âgé de 27 ans, "il n’y avait pas d’intention de commettre un viol", et insiste sur le "caractère accidentel" du geste.
L'inspection générale de la police nationale (IGPN) rend ses premières conclusions : pour la "police des polices", la blessure infligée à Théo lors de son arrestation est le fruit d’un "accident grave et réel", mais elle écarte la thèse du "viol délibéré". L’enquête se poursuit du côté de la juge d’instruction chargée de l’affaire.
Lors d’un débat dans l’émission "C’est dans l’air" sur France 5, Luc Poignant, syndicaliste à Unité SGP Police, dérape. Au sujet des termes employés par les policiers, il estime :
"Bamboula, (...), ça reste encore à peu près convenable."
Ces propos provoquent un tollé, notamment sur la Toile.
Lorsqu'on s'interesse à l'historique de ce commissariat d'Aulnay, il semble y avoir de drôle de pratique et ceci depuis 2008
L'affaire est toujours en cours de jugement.