Discrimination Policière

Les discriminations policières sont très bien documentées depuis les années 1990. Il est donc clair qu'il existe pour les sociologues une discrimination systémique raciale au sein de la police. De nombreux rapports de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 le prouvent. Sur 200 situations,  trente-cinq affaires relèvent d'une discrimination raciale, avec un accroissement de leur nombre au fil des années. Catherine Wihtol de Wenden écrit à propos de cette discrimination policière:

"D’autres études, effectuées par la suite ont révélé la permanence de ces pratiques, à dix ans d’intervalle : profilage des personnes à interpeller pour montrer sa présence dans les gares, les quartiers sensibles, d’après l’allure « jeunes de quartier » (vêtements de sport, sorties en groupe), contrôles d’identité des plus « visibles » par la couleur de leur peau, gardes à vue.
Plusieurs rapports ont fait état de manquements sans qu’aucune réponse n’ait été donnée autre que la loi du silence. Les pratiques policières semblent liées à une méconnaissance d’une partie de la population, française pour la plupart et au sentiment qu’une partie de la population ne l’est pas pleinement. Une fracture se construit ainsi, où ces nouveaux citoyens peuvent douter d’être considérés comme tels et de vivre dans un État de droit."

Ces situation concernent "un fort noyau de jeunes issus de l’immigration maghrébine de 18 à 35 ans, interpellés dans les banlieues défavorisées de la région parisienne". Y font face "des policiers très jeunes, âgés en moyenne de 25 ans, rarement originaires des quartiers où ils interviennent et même de la région parisienne (beaucoup de provinciaux qui imaginent les banlieues « sensibles » comme le far west des films télévisés). Ils sont envoyés dans ces départements réputés difficiles pour se former et se sont construit une image, voire un imaginaire de ces quartiers. Les motifs d’intervention sont souvent les mêmes : contrôles d’identité, à titre préventif, destinés à marquer leur présence, parfois à l’occasion de regroupements de jeunes et de tapage nocturne".

Les réactions des politiques sont au mieux l'ignorance, au pire l'opposition à mettre en place des actions de formation et de renforcer les sanctions disciplinaires face à des comportements insupportables. En effet de 2001 à 2004 un numéro vert le 114 avait permis de relever les discriminations. Voici quelques unes des déclarations:

"Insultes raciales (« sale arabe », « bougnoule », « sale nègre »), allusions récurrentes à la guerre d’Algérie (« fellagha »), islamophobie (« Prie ton dieu, sale race »), référence à l’expulsion vers un pays barbare (« Si t’es pas content, retourne dans ton pays... Là-bas, on coupe les têtes et les couilles »), discours guerrier (« Il faudrait se mettre à la frontière pour arrêter tous les Arabes et leur mettre une balle dans la tête... Si on les expédiait chez eux, il n’y aurait plus que 40 millions de Français »), discrimination en fonction de la nationalité ou de la couleur de peau (« Vous n’êtes qu’une simple arabe, vous n’êtes même pas française » ; « Il a la nationalité mais il est noir »), vocabulaire ordurier (« Je te pèterais bien la gueule mais je tape pas dans la merde »)"

La chercheuse poursuit:

"Les discriminations, réelles ou vécues comme telles, donnent à ces Français, pour la plupart, le sentiment qu’ils ne sont pas considérés comme des citoyens, que le discours sur la citoyenneté n’est qu’une hypocrisie et que la loi n’est pas la même pour tous..." "Cela vient fortement entamer le modèle français de communauté civique et politique construit autour du contrat social et de l’individu vivant dans un idéal d’égalité, de liberté et de fraternité, alors que ce pacte républicain est volontiers rappelé en haut lieu quand les banlieues sont en colère. "

Pour elle, le mot discrimination était tabou dans les écoles de police, et aucune formation sur ce thème n’y était proposée systématiquement (apparition en 2013). Comme tu l'as compris le contrôle d'identité spécificité française (ailleurs les policiers ne peuvent t’arrêter que s'ils ont constaté une infraction) est devenu un moyen de contrôle ethnique alors qu'il était au départ un moyen de contrôle social de l'espace public. Ainsi tout en servant les intérêts électoraux de nos hommes politiques, la pression policière augmente sur les minorités visibles contenues dans des banlieues s’ethnicisant de plus en plus. Les personnes susceptibles de vouloir se déplacer temporairement (travail, shopping, sortie...) se voient contrôlées plusieurs fois au cours de leurs déplacements. Et ceux qui souhaitent quitter définitivement la banlieue se heurte à la discrimination au logement. Nous avons du mal à nous représenter ce qu'est un contrôle d'identité et sa violence potentielle. Tu verras des universitaires, avocat, sénatrices (même Lilian Thuram) témoigner succinctement dans cette bande annonce. Mais n'hésites pas à regarder le témoignage de Marwan Muhammad, ancien trader, conseiller spécial auprès du Bureau des institutions démocratiques et des droits humains de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe jusqu'en 2016. Ce qu'il raconte de ses 14 ans a sans doute joué dans son engagement auprès du Collectif contre l'islamophobie en France.

Il apparait donc au mieux une latence importante entre les constats faits par ces nombreux rapports et la réaction des politiques, voire une absence de réaction. Il est clair que le vote de ces populations en dehors de l'échelon local ne compte pas. La posture sécuritaire des politiques ces dernières années se résume assez bien dans le reportage ci-dessous malgré tout très orienté sur le déterminisme "de classe" de la fonction policière et moins sur la dimension ethnique de leur action. C'est le grand travers que remarquent certains sociologues, la difficulté d'une vision racialisée du problème, de peur d'alimenter le discours raciste. Comme si étudier les ethnies constituait une justification au racisme.

Le contexte des attentats a renforcé le champs sécuritaire en offrant, aux forces de l'ordre, encore plus de possibilités vis à vis  des contrôles d'identité. Ceci malgré l'absence d'évaluation, d'efficacité prouvée, voire même leur inconstitutionnalité, ces contrôles sont défendus par les politiques !!?

Discriminations: les autres

Pour poursuivre sur les discriminations voici un panorama des rapports qui démontrent ce à quoi les minorités visibles (français ou non) peuvent s'attendre quand il tente de sortir des lieux géographiques, professionnels ou on les cantonne.

 

Discrimination au logement:

 

Rapport : LES DISCRIMINATIONS DANS L’ACCES AU LOGEMENT EN FRANCE : UN TESTING DE COUVERTURE NATIONALE (2017) PAR JULIE LE GALLO, YANNICK L’HORTY, LOIC DU PARQUET, PASCALE PETIT

Discrimination CAF, Pole Emploi et CPAM

 

Je vous présente les résultats d'une étude Etude de 60 Millions de Consommateur, numéro 519, d'octobre 2016, concernant les appels téléphoniques à la CAF, Pole Emploi et CPAM . 

1463 appels ont été passé du 17 mars au 36 avril 2016 dans tous les départements.  Une personne témoins, une malentendante, une à l'accent africain (parlant français) et une sans accès internet. L'objectif est de demander des renseignements  sur une allocation. 

  • CPAM :  Voici les résultats de l’accès au renseignement en pourcentage. L'usager sans internet 74%, les malentendants 68% de réponse satisfaisantes., avec un accent étranger 39% avec renvoi sur internet dans 53% des cas au lieu de 28% en moyenne.
  • Pole Emploi : 79% de réponse pour les usagers lambda, 62 % chez les malentendants et 38% pour ceux à l'accent étranger. Pour ce qui est de la qualité de la réponse, 57% estiment ne pas avoir eu de réponse. Pour ceux avec l'accent étranger cela monte à 77% pour 30% pour les malentendants.
  • CAF: On renvoie au web 39% des usagers en moyenne pour connaitre les démarche à suivre, contre 54% des "accents étrangers". 70% des appelants n'ont pu aboutir à une liste de pieces à fournir, contre 85% pour le profil "accent étranger".

Discrimination football