Il est très difficile de corréler les décisions de justice avec l'appartenance des prévenus à une ethnie  quand on ne dispose pas de statistique concernant ce paramètre. Par contre il existe un certain nombre de présomption dont je vais vous faire part.

Le sociologue René Lévy, est l'auteur d’une étude unique car non reproduite, sur le devenir des interpellations opérées par les brigades de voie publique en 1979-1981. En  retenant les « types » définis par les policiers rédacteurs de 538 dossiers d’interpellés sur la voie publique, il montrait la part décisive, dans la choix de déférer, de l’appartenance au groupe « nord-africain », par rapport à l’appartenance au groupe « européen ». La variable « groupe nord-africain » surdéterminait toutes les autres, y compris celles relatives aux garanties de représentation (nationalité, situation familiale, emploi). Ayant de surcroît observé le travail policier sur le terrain, il avait également été amené à constater une surreprésentation des « Nord-Africains » au stade de l’interpellation, et concluait ainsi : « Dans sa composition ethnique, la population déférée n’est pas identique à la population mise en cause par la police. Et de même, cette dernière se distingue de ce point de vue de la population d’ensemble au sein de laquelle elle est prélevée. La cause de ces différences réside dans les pratiques policières sélectives qui sont mises en œuvre tant au stade de la prise en charge des affaires et des personnes, qu’au stade des décisions cruciales prises ultérieurement »

Une chercheuse de l’université de Princeton, "Devah Pager, a dégagé une corrélation forte entre les tribunaux où les décisions « graves » sont surreprésentées (détention provisoire, contrôle judiciaire et peine privative de liberté) et les départements dans lesquels les jeunes hommes d’origine maghrébine sont les plus nombreux (Pager, 2008). Ce qui retient l’attention dans cette recherche est qu’aucune corrélation avec les autres variables contextuelles (étrangers, jeunes étrangers, taux de chômage, actes racistes recensés, taille de la population du département et surtout volume d’infractions constatées) n’était établie, renforçant ainsi l’importance de la variable « jeunes hommes maghrébins ».

Fabien Jobard et Sophie Névanen (2007) se sont eux penchés sur les différences procédurales d'affaires jugées de 1965 à 2005 sur un tribunal de grande instance de la grande banlieue parisienne. Ils ont observé le codage  (fondé sur le lieu de naissance et les consonances des patronymes et/ou prénoms) de 864 prévenus d’un même ensemble d’infractions (les infractions à dépositaires de l’autorité publique):

"Du premier coup d’œil, les écarts de peine varient du simple au double selon que les prévenus relèvent du groupe « Européen » ou qu’ils  relèvent des groupes « Noirs » ou « Maghrébins » (resp. 14 % et 25 et 24 %). Dans le  même ordre d’idées, la durée moyenne des peines d’emprisonnement ferme est plus longue chez les prévenus des deux derniers groupes que chez ceux du premier." Cependant l'analyse des facteurs  ne permet pas de définir la variable "groupe d'origine" comme seule constitutive du niveau de la peine."...

"Il semble toutefois qu’il en aille autrement de la décision policière qui se joue derrière ces infractions.

Celles-ci ont été en effet retenues pour tout un ensemble de raisons, parmi lesquelles la compréhension des déterminants des réactions du policier victime de l’atteinte. En effet, les policiers (comme tout fonctionnaire) ont la possibilité de se constituer partie civile au titre du préjudice moral lorsqu’ils se disent victimes d’un outrage, d’une rébellion, d’une violence (ils peuvent également prétendre à un dommage physique, mais nous n’avons pas retenu cette disposition). Au passage, la constitution de 189 partie civile est un facteur qui contribue à la sévérité de la peine prononcée. Là aussi, les écarts sont manifestes : 37 % des prévenus du groupe « Européen » voient des policiers se constituer partie civile contre 51 % de ceux du groupe « maghrébin » et  46 % du groupe « noir». Et cette fois l’analyse montre que la variable « groupe » a  bel et bien une influence en soi – bien qu’il faille nuancer la portée de cette influence propre, compte tenu de la taille de l’échantillon. Aussi, si les juges sont insensibles à la couleur de peau, les policiers, en ce qui concerne cette décision particulière, ne semblent pas l’être."

Selon le rapport de l'Action des Chrétiens pour l''Abolition de la Torture.:

"Un grand nombre d’avocats, de magistrats, d’associations et d’institutions constatent l’utilisation de plus en plus fréquente des procédures d’outrage et de rébellion, notamment dans les affaires où la police est mise en cause. Dès 2006, la CNDS constatait ainsi « une inflation des procédures pour outrage engagées de manière trop systématique par les personnels des forces de l’ordre, et plus particulièrement par les fonctionnaires de la Police nationale ». De même, l’IGPN faisait état, en 2005, de « la propension de certains fonctionnaires à recourir parfois de manière trop systématique aux procédures d’outrage et de rébellion ». Le même constat est dressé en décembre 2013 par l’Inspection générale de l’administration (IGA), qui dénonce un excès d’utilisation de ces procédures par certains agents. Ce constat a été amplement confirmé au cours de l’enquête de l’ACAT. Le risque d’être ainsi poursuivi constitue un obstacle dans le recours à la justice à double titre : d’une part il dissuade un grand nombre de personnes de porter plainte, d’autre part il participe à décrédibiliser le plaignant et à déconsidérer sa plainte. Dans ce type d’affaires, les plaintes pour outrage et rébellion participent de facto à une stratégie de défense contre les accusations de violences policières et aggravent le climat d’impunité.

 

JUSTICE À DEUX VITESSES

 

Bien qu’ils concernent parfois une seule et même affaire, les faits d’outrage et de rébellion sont jugés beaucoup plus rapidement que les faits de violences policières, le plus souvent par la voie de la comparution immédiate. Les demandes répétées des avocats des parties civiles de joindre les deux affaires et de les juger en même temps échouent le plus souvent. Par voie de conséquence, les magistrats n’ont souvent pas tous les éléments de l’affaire au moment où ils jugent la plainte pour outrage et rébellion. Les procédures de comparution immédiate sont par ailleurs connues pour leur caractère expéditif. Les personnes poursuivies bénéficient de moins de temps et de moins de moyens pour préparer leur défense. Or, une condamnation pour outrage et rébellion concourt indéniablement à décrédibiliser une plainte pour violences policières : « La victime, devenue agresseur, étant très souvent condamnée, elle n’a plus aucun crédit vis-à-vis d’un tribunal et sa plainte est presque toujours rejetée. »

 

DEUX POIDS, DEUX MESURES ?

 

Lorsque l’on établit des comparaisons entre les condamnations infligées à des agents des forces de l’ordre pour violences et des condamnations prononcées contre des citoyens pour outrage et rébellion contre des agents, les disproportions sont flagrantes. Dans le dernier cas, non seulement les condamnations sont nombreuses, mais elles sont également beaucoup plus sévères que les premières. Le syndicat de la magistrature évoque le nombre de 15000 condamnations annuelles. Les exemples fleurissent. À la suite du décès de Rémi Fraisse en octobre 2014, de nombreuses personnes ont ainsi été jugées et condamnées en comparution immédiate à Toulouse, après des affrontements avec les forces de l’ordre lors de manifestations contre le barrage de Sivens. Selon un décompte militant révélé par le journal Médiapart, « quelque 54 Toulousains ont été condamnés depuis novembre 2014 et les premières manifestations interdites contre le barrage de Sivens ». Parmi eux, Gaëtan Demay a été condamné en avril 2015 à deux mois de prison ferme et quatre mois avec sursis pour participation à une manifestation interdite (manifestation contre les violences policières et en hommage à Rémi Fraisse), et pour avoir lancé un panneau sur un policier. Gaëtan Demay, qui récuse les faits de violences et d’outrage, affirme pour sa part avoir été matraqué, poussé au sol et embarqué par des policiers en civil, alors qu’il s’était placé en marge du cortège pour envoyer un SMS. Mettre en parallèle les deux types d’affaires nous force à un constat aussi flagrant qu’inquiétant."

Fabien Jobard conclue:

À ce titre, notre étude prolonge les résultats de celle de René Lévy (1987), qui montrait qu’aux deux stades de la décision policière et de celle du parquet, les « Européens » recevaient toujours un meilleur traitement, suivi par les « Africains », le groupe des « Maghrébins » écopant d’un traitement le plus défavorable ; et ce indépendamment de la nature des infractions commises comme de la structure sociale des groupes en question. Notre étude prolonge et corrige ces résultats, en montrant que les décisions intervenant à la phase ultérieure, la phase de la décision judiciaire proprement dite, ne peuvent qu’entériner cet état de fait, sans toutefois ajouter de degré supplémentaire d’inégalité de traitement.

Cependant comme parmi les infractions régulièrement citées sont les outrages et rébellions, est ce que le fait d'être issue d'une population régulièrement contrôlée ne constitue pas un facteur de risque au final? Et est ce que les policiers à l'origine de discrimination voire de bavure ne sont pas statutairement protégés vis à vis des plaintes et ne jouissent ils pas d'une certaine clémence de l'institution judiciaire? Est ce que le parquet prendrait le risque de désavouer des policiers avec lesquels il travaille tous les jours au risque d'être "blacklisté"? Rien n'est moins sûr comme semble le croire certains journaux et Amnesty international.

Petit échantillon non exhaustif d'affaire de crime raciste.

En préambule voici quelques définitions pour nous donner le sens de la mesure:

Homicide Volontaire:

L’homicide volontaire, comme son nom l’indique, désigne le fait de tuer une personne de manière volontaire, intentionnelle, délibérée, peu importe les moyens utilisés, que la victime soit consentante ou non (è interdiction de l’euthanasie).

    • L’auteur d’un meurtre (non prémédité) est passible d’une sanction pénale de 30 ans de prison.
    • L’auteur d’un assassinat, infraction considérée comme un meurtre avec circonstances aggravantes, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Homicide involontaire

L’homicide involontaire est l’acte par lequel une personne donne la mort à autrui sans avoir eu l’intention de la donner. L’homicide involontaire est un meurtre commis sans l’avoir voulu, « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement »

L’homicide involontaire est puni de trois ans de prison et d’une amende de 45 000 euros.

 

Voici quelques affaires que j'ai choisi par hasard et parce qu'il y avait des sources journalistiques en plus des militantes:

  • Le mercredi 27 octobre 1971, Ben Ali Djellali, quinze ans et demi, d’origine algérienne, est abattu d’une balle dans la nuque, à la suite d’une altercation, par le concierge de son immeuble, rue de la Goutte d’Or. Née un comité pour faire la lumière sur l'affaire, dont les réunions se passent à la salle St Bruno et à La Maison Verte, avec Michel Foucault, Claude Maurias etc. L'auteur des fait est condamné à 5 ans de prison dont 3 avec sursis. 
  • Le 9 novembre 1972, à Versailles, Mohamed Diab est tué d'une rafale de mitraillette par le brigadier René Marquet après avoir été roué de coups et accablé d'injures racistes au commissariat.  Le procureur requiert un non­ lieu pour légitime défense et déclare: «Sujet parfaitement maître de lui, ne subit aucun trouble de la démarche, des réflexes, de la parole ou de la mémoire.» (Au moment des faits, Marquet avait un taux d'alcool très élevé dans le sang). Protestation de la partie civile : «Les policiers ont fait tout ce qu'il fallait pour, d'un homme excité, en faire un fou furieux à force d'injures racistes, d'humiliations et de brutalités.» La chambre d'accusation rend son avis le 29 mai 1980 et accepte la thèse de la légitime défense. Verdict: non lieu de poursuivre.
  • Le 23 août 1977 à Châtenay-Malabry Mr Boukhezze, 21 ans, est abattu de 7 balles dans le dos par le brigadier Marchaudon. Celui-ci est aussitôt couvert par ses collègues qui emploient tous les moyens pour justifier la légitime défense. Le jeune Mustapha Boukhezzer a été tué par la balle dans le dos  » à bout touchant appuyé « . Et sur les six balles qui, toutes de dos, ont touché le jeune homme, quatre ont été tirées à moins de 80 centimètres de la victime. C’est ce qu’a affirmé le professeur Ceccaldi, directeur du laboratoire d’identité judiciaire. Le médecin légiste, M. Deponge, l’a confirmé en notant les  » trajectoires ascendantes « , voire  » nettement ascendante  » pour l’un, des projectiles tirés.  » Ce qui implique qu’au moment du tir mortel, la victime était obligatoirement soit penchée en avant, soit couchée sur le sol. Mais entre ces deux positions, on ne peut être formel.  »
  • Poursuites judiciaires : Marchaudon avait déjà abattu un jeune Algérien dans le métro, toujours dans le dos, et avait obtenu un non-lieu. Il est défendu par l’avocate de « légitime défense » maître Garaud. Il comparaît libre au procès . Réquisitoire : 5 ans avec sursis. Il est radié de la police et à 10 ans d’interdiction de port d’armes.
  • Le 18 Octobre 1980, Marseille, Cité des Flamands, Jean­ Paul Taillefer, CRS, tue d'une rafale de mitraillette Houari Ben Mohamed, 17 ans, au cours d'un contrôle. Le 11 mai 1983, il comparaît devant le tribunal correctionnel pour «homicide par imprudence ou inattention». Il effectuera trois mois de préventive. Réquisitoire: un an de prison avec un sursis à l'appréciation du tribunal. Celui se déclare incompétent. C'est le renvoi aux assises. Pendant 7 années, la famille de Houari se bat pour obtenir une requalification du délit. Le 23 septembre 1987, Taillefer comparaît devant la cour d'assises d'Aix­ en­ Provence sous l'inculpation d'homicide volontaire. Cependant, lors de son réquisitoire, l'avocat général s'appliquera à écarter tous les éléments ou témoignages tendant à démontrer l'homicide volontaire. L'avocat de Taillefer, de son côté, allant jusqu'à comparer le meurtre d'Houari à un banal accident de la route. Réquisitoire : 2 ans ( peine maximale requise pour un homicide involontaire). Verdict : 10 mois avec sursis. Le brigadier Taillefer est libéré.
  • Bruno Zerbib avait 17 ans. Dans la nuit du 9 au 10 juin 1982, le fonctionnaire de police C.M. lui a tiré dessus de la fenêtre de son appartement avec un fusil à lunette parce qu’il avait approché de trop près son scooter rutilant. Il plaide la légitime défense. La cour d’assises de Paris a condamné C.M. à deux ans de prison dont quinze mois avec sursis, couvrant les quelques mois de prison déjà effectués, faisant de lui un homme libre. 
  • Le 1er décembre 1984, Karim Ramdani, Algérien, est tabassé dans le commissariat d'Annonay par le commissaire Gilbert Ambrosi, au moyen d'une matraque électrique, qui laisse des traces sur le corps de la victime. Celui-ci est dénoncé par trois policiers, choqués par ces méthodes : « Ils m'ont enfilé une cagoule. Après, ils m'ont torturé à l'électricité. Je ne pouvais pas respirer. Ils m'avaient mis une peau de chamois sur la bouche et avec l'eau, ça me brûlait.  Le 20 avril 1985 une manifestation de protestation, ainsi qu'une pétition en faveur du commissaire est lancé par les commerçants. Le 20 décembre 1985, Gilbert Ambrosi est exclu de la police et condamné à 30 mois de prison (dont deux mois ferme) par le tribunal de Clermont-Ferrand. Karim Ramdani, lui, est condamné à 40 mois dont 4 fermes pour vol avec effraction. Gilbert Ambrosi reprend du service comme «contractuel» dans un bureau de la direction générale de la police nationale sous Charles Pasqua (1986-1988) et  devient juge de proximité au tribunal d'instance à Villejuif en 2004!!!. Il est radié en 2007.
  • Un homme, Abdelhafid Rouag, dit Adlen, placé en garde à vue le 9 octobre 2004 au commissariat du 17e arrondissement, à Paris, a été retrouvé le lendemain dans un état "semi-comateux" à 100 mètres du poste ; il est mort cinq jours plus tard à l'hôpital Bichat. La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s'est penchée en juin sur le dossier et a relevé "certaines anomalies" qui l'ont conduite "à mettre en doute la sincérité de certains procès-verbaux". Le juge d'instruction, désigné après la plainte de la famille, a ordonné une expertise des signatures des procès-verbaux du gardé à vue. Le rapport, tombé le 27 juin, est formel : la victime "n'en est pas l'auteur" . Si ce n'est lui, ce sont donc les policiers. Ils sont suspectés d'avoir voulu ainsi «masquer des négligences dans la surveillance de A.R. qui avait été maintenu en cellule de dégrisement». Il en ressort que ce conducteur en état d'ébriété, et cardiaque ­ enfermé au «violon n° 3» le 8 octobre à 9 h 30 ­ n'a peut-être pas été libéré le 9 à 18 h 30, mais plutôt éjecté au petit matin dans un état grave.
  • Dans la nuit du 17 juin 2007, vers 4h du matin, après un appel du 17 pour des cris dans un hôtel, trois policiers se rendent rue de la Bidassoa à Paris. Les agents expliquent qu'à leur arrivée sur place, ils ont trouvé Lamine Dieng allongé, à plat ventre, entre deux voitures stationnées devant l'hôtel. ls estiment rapidement que l'individu est agité et "dans un état anormal". L'immobilisation définitive de Lamine Dieng est finalement réalisée par cinq policiers "d'une manière peu académique", note le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Face contre terre, son bras droit est passé par dessus son épaule et menotté à son bras gauche replié dans le dos. Une sangle de contention lui est passée aux pieds. Lamine Dieng est ainsi transporté dans le car de police secours, où il est de nouveau posé à plat ventre sur le plancher. Toujours selon le rapport de la CNDS, quatre fonctionnaires l'empêchent "de manière ferme" de se mouvoir. Le rapport de la CNDS rappelle par ailleurs que, pour un cas similaire (Arrêt Saoud contre France, 09/10/2007), la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). L’instruction s’était pourtant soldée par une ordonnance de non-lieu, en 2014, confirmée l’année suivant par la cour d’appel. La Cour de cassation (qui ne juge pas sur le fond) a estimé que cet arrêt de non-lieu était «régulier». Selon les magistrats, l’usage de la force par les 8 policiers intervenus la nuit du drame «a toujours été raisonné et proportionné» et ne constitue pas une «faute».
  • L’affaire remonte au 9 mai 2008. Abdelhakim Ajimi, manifeste son mécontentement à l'accueil de se banque. Le directeur appelle la Police alors qu'il a déjà quitté les lieux. Avec une diligence étonnante, se précipitent la BAC et pour des raisons mystérieuses, des policiers municipaux. Très vite, l'arrestation se transforme en une bagarre extrêmement violente, le jeune homme refusant d'obtempérer. Hakim Ajimi se retrouvera au sol, menotté aux pieds et aux mains, maintenu par trois policiers. Lorsqu'il est relevé et traîné par les pieds jusqu'à une voiture de police-secours, au moins 11 témoins indiquent qu'il ne résiste plus et paraît inconscient. Trois personnes remarquent son visage bleu ou violacé, signe d'un manque d'oxygène. Il meurt probablement durant la minute de transport jusqu'au commissariat, sans qu'aucun policier ne s'en rende compte. Les deux juges chargées de l'instruction, Catherine Bonnici et Sandrine André ont rendu une ordonnance de non-lieu concernant les deux anciens policiers de la BAC de Grasse, renvoyant par ailleurs cinq personnes devant le tribunal pour non assistance à personne en danger. Il s'agit d'un policier municipal et de quatre agents de police à qui on reproche d'avoir conduit le jeune homme au commissariat sans se rendre compte de son état. Le rapport d'autopsie fait ressortir un « décès par asphyxie mécanique », accompagnée de « lésions cérébrales […] évoquant une privation prolongée ». Ce non-lieu, le procureur de Grasse, Jean-Michel Cailleau, ne pouvait le laisser passer. Il avait déjà dû saisir la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour contraindre les deux juges à mettre en examen les deux policiers alors qu'elles les avaient initialement placés sous le statut de témoin assisté. Estimant qu'au vu de plusieurs expertises, l'interpellation et les méthodes employées étaient légitimes mais les techniques non maîtrisées par les agents, le parquet, avait demandé leur renvoi devant la justice. Ainsi aprés appel, 5 ans après les faits, Walter LEBEAUPIN (Brigade Anti Criminalité) écope de 24 mois pour homicide involontaire et non-assistance à personne en péril ; Jean-Michel MOINIER (Brigade Anti Criminalité) : 18 mois pour homicide involontaire ; Jim MANACH (police municipale) : 6 mois pour non-assistance à personne en péril.
  • Le 19 juillet 2016, vers 17 heures, un équipage de la gendarmerie de L’Isle-Adam intervient à Beaumont-sur-Oise. Adama Traoré et son grand frère Bagui sont ensemble près de la mairie. Les forces de l’ordre veulent alors interpeller l’aîné Bagui dans le cadre d’une enquête pour «extorsion de fonds».  Adama tente d’échapper au contrôle en courant.  Deux agents poursuivent Adama Traoré qui réussit tout de même à s’enfuir avec une menotte au poignet. Les gendarmes le retrouvent dans un appartement emmitouflé dans un drap. Ils confient: «Nous nous jetons sur lui avec mes deux collègues», indique l’agent le plus expérimenté des trois, et poursuit  : «Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser mais il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation.» Un autre confirme : «On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser.» Arrivé dans la cour de la gendarmerie, Adama Traoré est sorti du véhicule puis posé par terre, toujours entravé par des menottes, «ne sachant pas s’il simulait ou pas», précise un gendarme. Les agents remarquent qu’il s’est uriné dessus pendant le trajet. Les pompiers sont envoyés sur place à 17  h  43 pour une «crise convulsive». Les gendarmes déclarent surveiller le pouls et la respiration. Quand les premiers secours arrivent à 17  h  50, le pompier le plus expérimenté, grade de sergent-chef, décrit une tout autre situation. «Un gendarme […] m’a indiqué que la victime simulait et que c’était quelqu’un de violent […]. Quand j’arrive sur la victime, il y a du monde autour mais personne ne s’en occupe», détaille le pompier, qui tente de mettre Adama Traoré en position latérale de sécurité car «il se trouve face contre terre, sur le ventre, mains dans le dos menottées».  «Malgré sa réticence apparente» le gendarme accepte d'enlevé les menottes et après avoir répété que «cet individu est violent et qu’il simule». A ce moment, le pompier constate que Adama Traoré n’a «pas de ventilation» et «pas de pouls» et commence un massage cardiaque. Dès l’annonce du décès, le procureur de la République de Pontoise de l’époque, Yves Jannier déclare qu’Adama Traoré est mort «à la suite d’un malaise». Le 21 juillet, les résultats de la première autopsie arrivent et le procureur annonce alors que le jeune homme souffrait d’une «infection très grave touchant plusieurs organes». L'examen fait seulement mention «de lésions d’allure infectieuse» et évoque également un «syndrome asphyxique» comme l’une des causes de la mort, ce que le procureur ne confiera pas.  Le parquet refuse de procéder à une contre-expertise. Le parquet est alors dessaisit de l'affaire. Dès le mois de juillet 2016, un collège d’experts de l’Institut médico-légal de Paris parvient à des conclusions similaires. « L’asphyxie est la cause principale du décès et non une des raisons », assure Me Yassine Bouzrou, le conseil de la famille. Une nouvelle fois, le rapport écarte l’existence de « lésions d’allure infectieuse », mentionnées dans la première autopsie, mais souligne que le jeune homme souffrait d’une pathologie cardiaque. Adama Traoré était en bonne santé, l’étude de ses antécédents médicaux le prouve, il faisait du sport tous les jours. Il n’a jamais fait le moindre malaise sur un terrain de foot, même quand il jouait en plein cagnard, et il en aurait justement fait un ce jour-là ? ». Yassine Bouzrou n’y croit pas. D’après lui, le jeune homme serait décédé des suites d’une compression thoracique. En effet lors de son arrestation, Adama Traoré avait été maintenu au sol sous « le poids des corps » de trois gendarmes. Selon un des gendarmes auditionnés, dont la version a été confirmée par ses collègues, il aurait alors indiqué avoir « du mal à respirer ». L'affaire est encore en cours de jugement.
  • Le 2 février 2017, Cité des 3000, quartier de la Rose-des-Vents, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) : en fin d’après-midi, une équipe de quatre policiers de la BST (brigade spécialisée de terrain) patrouillent dans ce quartier réputé parmi les plus "difficiles" du 93. Alors qu’ils procèdent à un contrôle d’identité, la confrontation entre les gardiens de la paix et les jeunes de la "cité" dégénère rapidement. L’un des jeunes hommes présents, Théo L., âgé de 22 ans, est violemment maîtrisé – notamment à coups de matraque - et interpellé. Au commissariat, un fonctionnaire de police réalise que Théo est gravement blessé : visiblement en proie à de fortes douleurs, il saigne abondamment de la zone rectale. Transporté en urgence à l’hôpital Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, le jeune homme y est rapidement opéré du rectum : il présente de graves lésions, notamment "une plaie longitudinale du canal anal" longue de 10 cm et une "section du muscle sphinctérien". Il lui est prescrit une incapacité totale de travail (ITT) de 60 jours. La victime explique que l’un des policiers lui a volontairement enfoncé une matraque dans l’anus. Le 5 février, les quatre fonctionnaires de police sont désormais mis en examen pour "violences volontaires en réunion avec arme suivies d’incapacité supérieure à 8 jours", ainsi que, pour l’un d’entre eux, pour "viol par personne dépositaire de l'autorité publique". Ils sont également suspendus de leurs fonctions par le ministère de l’Intérieur. L’exploitation des vidéos saisies aurait permis, selon une source proche du dossier, de voir l’un des policiers "porter un coup de matraque horizontal au niveau des fesses" de Théo, après que son pantalon ait "glissé tout seul". Théo L. livre sa version des faits à son avocat dans un enregistrement audio diffusé par les médias. Le jeune homme explique être arrivé sur les lieux de l’altercation au moment où les policiers procédaient à un contrôle : 

"Je me suis mis contre le mur tranquillement, et là un des policiers, il m’a mis un coup. Je savais que dans le coin où on était il n’y avait pas de caméras, alors je me suis dit "il faut que je me débatte, du mieux que je peux, pour que j’aille devant les caméras". Et dès que je suis arrivé devant les caméras, j’ai pas cherché à fuir. J’ai dit aux policiers "vous avez déchiré mon sac"’. (...) Que des insultes, que des injures. Comme j’étais de dos, mais de trois quart, je voyais ce qu’ils faisaient derrière moi. Je l’ai vu prendre sa matraque, et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de forces."

 

Le jeune homme fait également mention de coups et d’injures lors du trajet jusqu’au commissariat :

 

"Ils m’ont traité de négro, bamboula, salope."

 

En milieu de journée, une marche est organisée en soutien au jeune homme : des centaines d’habitants du quartier de la Rose-des-Vents d’ Aulnay-sous-Bois se rassemblent pour défiler, et réclament "justice pour Théo".

L’avocat du policier accusé de viol, Maître Frédéric Gabet, donne une interview télévisée. Il affirme que pour son client, un gardien de la paix âgé de 27 ans, "il n’y avait pas d’intention de commettre un viol", et insiste sur le "caractère accidentel" du geste.

L'inspection générale de la police nationale (IGPN) rend ses premières conclusions : pour la "police des polices", la blessure infligée à Théo lors de son arrestation est le fruit d’un "accident grave et réel", mais elle écarte la thèse du "viol délibéré". L’enquête se poursuit du côté de la juge d’instruction chargée de l’affaire.

Lors d’un débat dans l’émission "C’est dans l’air" sur France 5, Luc Poignant, syndicaliste à Unité SGP Police, dérape. Au sujet des termes employés par les policiers, il estime :

"Bamboula, (...), ça reste encore à peu près convenable."

Ces propos provoquent un tollé, notamment sur la Toile. 

Lorsqu'on s'interesse à l'historique de ce commissariat d'Aulnay, il semble y avoir de drôle de pratique et ceci depuis 2008

L'affaire est toujours en cours de jugement.